Marine Le Pen remporte
l’élection présidentielle 2017 avec 50.7 % des voix.
L’ampleur de la surprise assomme l’ensemble de la classe politique, y compris le camp de la principale intéressée. Le FN victorieux, au premier tour ! Le pays entier semble KO. Les appels aux recomptes des voix se font encore entendre, mais pourtant, la tendance annoncée dès vingt heures par les premiers dépouillements ne laisse place à aucun doute (Marine le Pen oscillant entre 52% et 49% avant que les projections ne se stabilisent autour de 51%). Le décompte officiel des bulletins de vote étant finalement terminé, un recompte ne parviendra pas à annuler les 230 mille voix qui séparent Madame le Pen de l’investiture suprême.
L’ampleur de la surprise assomme l’ensemble de la classe politique, y compris le camp de la principale intéressée. Le FN victorieux, au premier tour ! Le pays entier semble KO. Les appels aux recomptes des voix se font encore entendre, mais pourtant, la tendance annoncée dès vingt heures par les premiers dépouillements ne laisse place à aucun doute (Marine le Pen oscillant entre 52% et 49% avant que les projections ne se stabilisent autour de 51%). Le décompte officiel des bulletins de vote étant finalement terminé, un recompte ne parviendra pas à annuler les 230 mille voix qui séparent Madame le Pen de l’investiture suprême.
Ce résultat
semble d’autant plus renversant qu’il y a moins d’un an de cela, l’ensemble des
commentateurs comme des bookmakers s’attendaient tous à voir un duel au second
tour entre Alain Juppé et la candidate du FN, duel qui aurait abouti à la
victoire sans appel du fils spirituel de Jacques Chirac sur la fille biologique
de Jean Marie Le Pen, dans un re-match conforme au second tour de la
présidentielle de 2002.
Et pourtant, de
second tour il n’y aura point. Aussi choquant que le résultat puisse
paraitre, nous n’avons pas d’autre choix que de l’accepter. Et afin de
l’accepter, il est utile de chercher à le comprendre et l’expliquer.
Les causes sont multiples, revenons sur les principales en étudiant la
véritable partie de poker « no limit » qui s’est déroulée devant nos
yeux ces neufs derniers mois.
Première
manche : la primaire républicaine
Tout le monde
donnait Juppé vainqueur. Les sondeurs, les électeurs centristes et de gauche,
les commentateurs. Même mon chien. A vrai dire, les journalistes et prétendu
analystes politiques semblaient quelques peu embarrassés par la candidature
musclée de Sarkozy. Pour de multiples raisons : un président battu à sa
propre réélection par François Hollande, refusant d’admettre sa défaite, ça
fait tache. Sans parler de ses nombreuses casseroles en lien avec les
différentes « affaires », les conséquences particulièrement néfastes
de son intervention en Libye ou son nouvel axe de campagne encore plus « à
droite ».
Il semble
désormais d’autorité notoire que les émeutes des banlieues de 2005 qui mirent
fin à la carrière politique de monsieur De Villepin furent orchestrées par
Monsieur Sarkozy, mettant de l’huile sur le feu pour embraser les
banlieues via ses déclarations qui ne pouvaient qu’être perçues comme une
provocation insoutenable aux oreilles des jeunes des cités. Sa campagne de 2007
forgée sur un message sécuritaire fort et le fameux « travailler
plus pour gagner plus » ne fit qu’une bouchée de la fragile et maladroite
madame Royale (qui partage au moins un trait de caractère avec Sarkozy, son
incapacité à quitter la vie politique après avoir été désavouée nationalement). Le cynisme
et l’opportunisme de Nicolas Sarkozy, arrivé au pouvoir après avoir à jamais
endommagé la cohésion sociale française et légitimé les idées du FN pour des
décennies semblait devoir être les traits principaux de son exercice du
pouvoir. Stigmatisant les immigrés en général et les Roms en particulier,
supprimant les moyens policiers (police de proximité) et engageant la France
dans une guerre au Moyen Orient dont nous payons encore les conséquences… tout
cela était déjà bien connu des citoyens lorsqu’il se porta candidat à la
primaire des républicains.
Sa stratégie,
curieusement, déstabilisa ses adversaires. Dans son livre de campagne
« Tout pour la France », parut fin aout 2016, le message
était pourtant clair : tous les moyens seront bons pour être élu. La
remise en question du droit du sol peut paraitre anodine, mais elle eut le mérite
de porter le débat en terres Sarkozienne. En imposant ses thèmes de
campagne à des personnalités plus ambiguës comme Alain Jupé, la victoire
devenait possible, malgré un retard fantastique dans les sondages à deux mois
de la primaire. Jupé 40%, Fillon 30%, Sarkozy 20%, bon troisième. Le rôle de
président du parti fut utilisé en complète méprise de toute décence. Pas de
fair play au poker, seul le résultat compte. Sarkozy joua ses cartes
à la perfection, supervisant l’organisation des primaires lui-même, s’assurant
que les bureaux de votes seraient ouverts en grand nombre en terre Lepéniste et
fermerait ridiculement tôt à Bordeaux. Le résultat, on le connait.
Un thème sécuritaire et xénophobe omniprésent dans la campagne, où Jupé fut
contraint d’expliquer l’intérêt d’un Etat de droit lors des débats télévisés
pour être ensuite taxé de socialiste, vieux et mou, incapable de défendre la
France et les Français car ayant peur de l’action.
Sarkozy remporta
la primaire par une faible marge, que certains trouveront suspecte, mais les
dommages furent irréversibles. Les thèmes de campagne furent exportés à
l’élection générale tout comme ils le furent aux primaires
socialistes et, fait remarquable, aux primaires des verts (les fameuses
primevères). Nous y reviendront.
Autre conséquence
de la victoire de Sarkozy: la candidature centriste de Bayrou. Bénéficiant de
l’arrêt de l’émission « les guignols de l’info » et du soutien du
malheureux Jupé, elle torpilla les chances de Sarkozy à la présidentielle.
Seconde
manche : les primaires à gauche et François Hollande
L’enjeu était
simple : tout sauf Hollande. Pour ce faire, des candidatures comme celles
de Benoit Hamon et Montebourg virent le jour, tentant de dissuader
notre président de se représenter. La soif de pouvoir et l’égocentrisme n’étant
pas des attributs exclusifs à la droite, ce dernier décida d’y aller quand
même. Convaincu que le risque (perdre les primaires) valait la
chandelle (battre de nouveau Sarkozy au premier tour, et Le Pen au
second).
Le calcul
n’était pas idiot. Après avoir mené une politique de droite pendant cinq ans,
remettant en cause l’égalité et la liberté des citoyens avec des mesures aussi
inefficaces que l’état d’urgence permanent ou la déchéance de nationalité des
kamikazes terroristes s’étant fait explosé, en ayant appliqué le programme
économique ordo libéral promulgué par la conservatrice Merkel et le Médef,
les arguments des Républicains comme Jupé se trouvaient affaiblis face à
Sarkozy. Et devant le virage extrémiste de ce dernier, Hollande
allait pouvoir apparaitre comme le candidat de la raison. « Vous
voulez faire la guerre au terrorisme ? Mais on est déjà en guerre
permanente. Vous voulez mettre fin à l’Etat de droit ? Mais ça fait déjà
douze mois qu’on a l’Etat d’Urgence. La fin du droit du sol ? Vous allez
trop loin. La fin des 35 heures ? Les français n’en veulent pas ».
Oui, la stratégie
pour battre Sarkozy semblait parfaite, et c’est sur cet axe et un bilan
économique « pas trop mauvais » avec le retour de la
croissance et la baisse légère et conjecturale du chômage qu’il comptait passer le cap
de la primaire. Il avait utilisé tous les outils du pouvoir pour favoriser son
meilleur ennemi à gagner la primaire à droite, il ferait de même à gauche.
C’était sans
compter sur deux forces importantes. La première, le dédain particulièrement
fort que sa présidence catastrophique lui avait attiré auprès du peuple de
gauche. Les 16% d’opinions favorables qui marquèrent ces six derniers mois de
pouvoir ne reflétaient pas suffisamment clairement le profond
mécontentement ressenti par les électeurs de la gauche élargis. Et ils le lui
firent payer.
La seconde, c’est le fait
que sa candidature vint se heurter à celle plus logique et pourtant similaire
du centre gauche et incarnée par le jeune loup Emanuel Macron.
Deux sociaux-démocrates ayant de gauche que le nom, cela faisait
beaucoup pour une seule primaire organisée timidement par un parti plus que
jamais divisé. A quelques semaines de la primaire, Hollande semblait destiné à
se prendre l’énorme baffe qu’il méritait. Coup de poker, Macron décide alors de
se retirer. Deux raisons à ce choix : il peinait à dépasser Montebourg et
ne se voyait pas d’affronter Bayrou pour les voix du centre. Un calcul gain
bénéfices qui se résume par l’idée suivante : mieux vaut être premier ministre
de Hollande ou futur principale force de l’opposition que le capitaine
du Titanic Socialiste. En clair, la candidature de Hollande le pousse
à arriver à la même conclusion que Manuel Valls : mieux vaut quitter le navire.
Et finalement, le calme
et la sérénité d’Hollande l’emportèrent sur l’excentrique Montebourg dont
certaines propositions peu conventionnelles rebutèrent un trop grand nombre
d’électeurs. Montebourg victime de la droitisation sécuritaire du débat
et d’un appareil politique au service de son adversaire, tout comme Jupé de
l’autre côté.
Avec Hollande
comme champion de la gauche, les candidatures multiples semblaient inévitables.
Dufflaut, l’opportuniste verte qui n’avait pas hésité à s’assoir sur tous ses
principes pour un poste au gouvernement du accepter de se soumettre à des
primaires écolos, puisque ayant refusé de participé à celles organisées par le parti
socialiste. Avec comme conséquence un exercice voué au ridicule et la décrédibilisation
totale d’un parti qui brillait plus par ses divisions (pour ou contre le nucléaire ?
) que par sa capacité à établir des priorités (le réchauffement climatique
ou la pêche ou le nucléaire ou… Nicolas Hulot !)
Troisième
manche : l’extrême gauche
L’histoire se
répète. Le vide sidéral laissé à gauche par les primaires socialistes
ne pouvait que renforcer le front de gauche et son populisme assumé.
Flirtant avec les thèmes écolos et se dressant comme ultime rempart à la dérive
droitière et sécuritaire de l’ensemble du paysage politique, Mélanchon
dépassait Hollande dans les sondages. Un costar trop grand pour les épaules du
populiste qui permit à d’autres micro candidats de se lancer dans la
bataille : un coco et Philippe Poutou.
Quatrième
manche : l’extrême droite
Le FN, droit
dans ses bottes néo-nazies, se contenta de faire le moins de bruit possible.
Cinquième
manche : la campagne présidentielle
Les cartes
étant distribués, le décompte des jetons (ou % des intentions de
votes) au premier tour donnait un peu près ca :
Le Pen :
35%
Hollande :
17%
Sarkozy :
16%
Mélenchon :
15%
Bayrou : 8%
Cécile D :
3%
Communistes :
3%
Parti des
travailleurs : 1%
Parti des
chasseurs : 2%
Nicolas Dupont
Aignan : rallié à Le Pen (le malin !)
Sondages second tour : Sarkozy 60% Le Pen 40% // Hollande 65% - Le Pen35%
Sondages second tour : Sarkozy 60% Le Pen 40% // Hollande 65% - Le Pen35%
Hollande s’érigea
en bouclier contre la barbarie et le racisme, mais fut pris à revers
par Mélenchon qui lui adressa ses plus vives critiques, rappelant son bilan
catastrophique et lui reprochant d’avoir mis en place le programme du
FN (déchéance de la nationalité, Etat d’urgence permanent…) et du Medef (loi
travail, pacte de compétitivité pour les entreprises) tout en ayant gouverné
par tyrannie (49-3). Rien que ca !
Bayrou fit du
Bayrou, c’est-à-dire du
très mou. Il chercha simplement à faire le pont entre Juppé et la Hollande
de son homonyme François. Une drôle de sauce béarnaise qui ne prit
pas !
Sarkozy, sans surprise, fit campagne à fond à
droite, pour siphonner les votes du FN. Ce qui produisit la réaction classique
de ce dernier, défendre ses terres et concentrer ses tirs sur Sarkozy.
Le Pen rappela avec brio toutes ses
casseroles. Et en particulier l’intervention en Libye, dont le lien
avec les problèmes de terrorisme et d’immigration massive était un argument
particulièrement facile à défendre pour le FN. Les élans
d’indignation devant l’ironie de la situation (Sarkozy et Hollande de nouveau
candidats) furent tellement simples à exprimer que Marine le Pen ne
jugea pas nécessaire de faire réellement campagne. Les quelques dérapages
Donald Trumpesque ne lui firent pas plus de mal qu’ils en firent à Donald Trump
lui-même.
Le plus
grand facteur de désenchantement fut sans conteste l’invraisemblance du duel
Sarkozy-Hollande. Ces deux derniers présidents ayant sans cesse œuvrés dans le sens
du FN en fustigeant les minorités et en adoptant ou proposant des mesures
populistes ne pouvaient que perdre face à Marine Le Pen.
Le soir
des élections, le verdict tomba, sans appel :
1. Abstention : 45%
ou 20,250,000 suffrages non-exprimés.
2. Marine Le Pen :
50.7 % des suffrages exprimés ou 12,548,250 voix (le double de
son père en 2002, en gros)
3. Mélenchon :
20% ou 4,951,051 voix (en gros) qui prend les voix de Hollande
4. Sarkozy :
12% ou 2,666,666 vois (en petit) qui donne ses voix à Marine LE PEN
5. Hollande :
9.5% ou 2,121,121 voix (en gros) qui donne ses voix à l’abstention
6. Bayrou :
7.5% ou 1,902,902 (dont deux chèvres) qui donne sa voix aux chèvres
7. Cecile
D : 1.35 % ou 216,969 voix (moins que Eva Joly) qui en perd sa
voix
8. Les
chasseurs : 1.34% ou 215,151 (pratiquement autant de chasseurs
que d’écolos !)
9. Autres
(dont Jupé) : 1.31 % ou 249,251 voix (moins deux chèvres)
C’est donc une combinaison de cynisme et d’opportunisme invraisemblable de la part de la classe politique (Nicolas et François en tête) et le climat de peur qui porta Marine Le Pen au pouvoir, à la consternation générale de tous, elle la première.
Moralité :
votez aux primaires, toutes les primaires !
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